Avec l’accord de Paris sur le climat, les Etats se sont engagés à tout faire pour respecter un réchauffement global moyen de maximum 1,5°. Cela signifie que d’ici 2050, nos émissions nettes de gaz à effet de serre devront être ramenées à zéro.

Chez nous, le transport représente environ un quart de ces émissions et cette proportion n’a cessé d’augmenter ces 20 dernières années. Ce sont aussi des milliers d’euros pour les ménages et des centaines d’heures perdues dans les bouchons. Nous pouvons certes choisir des voitures peu émettrices et utiliser davantage les transports en commun, mais il sera impossible d’atteindre l’objectif de Paris sans réorganiser globalement notre manière d’occuper le territoire.

C’est ce constat, cet énorme défi, qui a fondé la volonté de doter la Wallonie d’une politique moderne de développement de son territoire, de structurer celui-ci autour de lieux de centralités, pour permettre la vie de proximité, grâce aux commerces et aux services proches du domicile, et de déployer des transports en commun efficaces pour les trajets de plus longue distance.

C’était l’ambition que nous avions en élaborant, sous la législature passée, une refonte complète de la législation de l’aménagement du territoire, sous le nom de Code du développement territorial (CoDT). Cette réforme législative était conduite en même temps que la discussion publique et avec l’ensemble des acteurs du projet de territoire, au travers de la révision du schéma de développement de l’espace régional (SDER).

Le CoDT prévoit de nombreuses simplifications: introduction de plus de souplesse dans l’octroi des permis, grâce à la valeur indicative, c’est-à-dire se concentrer sur l’essentiel – la localisation et l’orientation d’un bâtiment par exemple – plutôt que le détail – la couleur des châssis – et permettre de s’adapter aux situations locales et aux souhaits des citoyens ; délai de rigueur dans le traitement des dossiers ; amnistie de milliers d’actes et travaux réalisés avant 1962 ; prescription des infractions mineures après 10 ans (jusqu’ici, tuer père et mère est prescrit après un certain délai, se tromper de taille de fenêtre pas…) ; structuration et lisibilité d’un code fortement améliorées par rapport au Cwatupe. Tous ces acquis ont heureusement été préservés dans le CoDT « bis », version PS et cdH, qui entre en vigueur ce 1er juin, aux côtés d’autres complications malheureusement réintroduites au gré de chipotages successifs.

Mais le seul vrai objectif politique qui vaille au 21ème siècle en aménagement du territoire, pour répondre aux enjeux de climat, de démographie, d’économie et de bien-être, est celui de limiter l’étalement urbain et de structurer notre territoire. Il a pourtant été abandonné dans les faits même si on le retrouve encore dans les discours. Trop difficile d’assumer une vision collective ! Trop difficile d’assumer face aux demandeurs que tous les projets ne sont pas bons n’importe où ! Dans la foulée, le projet de territoire régional n’en est nulle part et sera, vraisemblablement, très édulcoré. Le ministre annonce une enquête publique … à quelques semaines des élections communales. Ce n’est pas sérieux.

La Flandre, pendant ce temps, prend une toute autre direction. La résolution adoptée fin 2016 au Parlement flamand prévoit de réduire progressivement jusqu’à zéro l’emprise supplémentaire annuelle des surfaces bâties sur le territoire (elle est aujourd’hui de 6ha/jour).

En Wallonie, PS et cdH, débarrassés des écologistes, se sont empressés de retomber dans leurs travers : défendre une vision de lutte contre l’étalement urbain et de prise en compte du changement climatique, pourquoi pas, mais surtout que cela ne nous amène aucune contrainte ! Il faut que chacun puisse continuer à faire ce qu’il souhaite n’importe où, comme on l’a toujours fait. Lutter contre l’étalement urbain…ou pas.

Or, c’est précisément l’absence de pilotage régional qui a produit l’étalement urbain ! Personne n’a décidé un jour, à Namur, ou dans aucune des communes wallonnes, que l’on allait urbaniser le plus possible nos campagnes et faire de la « rubanisation », c’est-à-dire construire des maisons « en ruban » le long des voiries wallonnes. C’est pourtant ce qui se pratique depuis 30 ans, depuis que collectivement nous organisons nos vies principalement en fonction de l’usage de l’automobile.

Pire encore, dans la réforme du CoDT suivante – car oui, PS et CdH nous annoncent déjà un CoDTter pour 2018 ! – , il est envisagé d’élargir les conditions de la « règle du comblement » et d’offrir ainsi de nouvelles facilités de déroger au plan de secteur… pour étendre davantage encore les rubans d’urbanisation. Après 3 ans, la coalition gouvernementale n’a en effet pas encore réussi à s’accorder sur un système définitif, qui sera adopté seulement d’ici juillet et viendra donc remplacer le « nouveau » régime du CoDT. De la même façon, le nouveau régime des infractions ne vivra que quelques mois. Le code précédent, le Cwatupe, était atteint de réformite. Nous constatons avec effarement que cette maladie de légiférer en permanence et souvent sur la base de cas particuliers a déjà contaminé la nouvelle législation et va réintroduire la confusion dans les administrations et chez les usagers. Comme si on était incapable, en Wallonie, d’assumer une réforme et de la stabiliser.

Les pouvoirs publics, ainsi que les femmes et hommes politiques, doivent s’interroger, au travers de cet exemple, sur leurs capacités à soutenir, orienter et encadrer le développement, au bénéfice de la population. Parce que réformer est ardu, mais répondre aux défis de notre temps et être au service de l’intérêt général rend cette entreprise indispensable. Et c’est la responsabilité des mandataires politiques de proposer des solutions pertinentes et à la hauteur des enjeux de demain.

 

Opinion publiée par Le Vif l’Express le 01/06/2017 [en ligne]: http://www.levif.be/actualite/belgique/oui-le-territoire-est-notre-bien-commun/article-opinion-671043.html