Après quelque 6 mois de travaux extrêmement denses, la Commission d’enquête Publifin a conclu ses travaux ce mercredi au Parlement de Wallonie. Initiée par Ecolo et au départ refusée par PS & CDH qui ne mesuraient pas la gravité du scandale des comités de secteur, des rémunérations exorbitantes et indécentes au sein de cette nébuleuse et de la confiscation du pouvoir par quelques uns, elle a abouti à un rapport fort de ses constatations, analyses et recommandations, qui a été adopté aujourd’hui par le Parlement de Wallonie.

La colère et l’écœurement qui nous ont conduit à réclamer avec force et conviction une commission d’enquête perdurent encore aujourd’hui.
Comment des gens ont-ils pu imaginer de tels détournements de l’intérêt public ? Qui a permis à ces puissants de se considérer comme intouchables ? Et puis, comment la Wallonie peut-elle espérer s’en sortir si de telles pratiques existent dans ses outils publics ?

Six mois plus tard, nous en savons beaucoup plus sur ce système de pratiques politiques. Des réponses ont été données à une série de questions : qui a initié les comités de secteur, qui a décidé ces rémunérations, comment le pouvoir est-il réellement exercé, etc.
Une série de nouveaux enjeux ont également été identifiés, au fil des travaux, dont certains inattendus. La situation est pire que nous le pensions !


Quelques conclusions centrales

Vu la densité des auditions et des informations qui ont circulé, il est important de mettre en relief quelques conclusions clé :

  1. Ce sont les présidents des trois fédérations liégeoises MM. Demeyer (PS), Drion (CDH) et Bacquelaine (MR), qui ont initié la création des trois comités de secteur.
  2. Le fondement de ces rémunérations inadmissibles est contestable et doit être contesté.
  3. Au-delà de la responsabilité lourde des membres et présidents de ces comités, il y a eu une réelle entreprise de dissimulation de la part du management, pour que surtout rien ne soit découvert.
  4. C’est le comité de rémunération de Nethys, M. Drion (CDH) et Mme Laurent (PS), rejoint ensuite par un expert, qui ont fixé les rémunérations exorbitantes de la direction de Nethys.
  5. Le pouvoir a été confisqué par un petit nombre de personnes, qui ont fermé la porte de l’intérieur, malgré les tentatives de certains d’y voir clair.
  6. L’intérêt communal a été tout à fait dénaturé, autant que les objets déterminés et les missions de service public de l’intercommunale.
  7. La responsabilité de l’ancien Ministre des Pouvoirs locaux Paul Furlan (PS) est importante dans le dépassement du plafond de 150 %. Elle l’est également en ce qu’il a décidé d’abandonner sa compétence de tutelle, en présence du Ministre de l’Economie Jean-Claude Marcourt (PS).
  8. L’actuel Gouvernement wallon PS-CDH a aussi mis au frigo une série de décrets pourtant adoptés en 2014 par le Parlement de Wallonie, dont la mise en œuvre aurait pu éviter un certain nombre de dérives.
  9. La législation sur les marchés publics est violée.
  10. Il existe aussi une série d’illégalités par rapport au droit de l’énergie.

Les travaux de la Commission ont ainsi pointé un certain nombre de responsabilités. Des indices d’infraction ont aussi été mis à jour et il reviendra au Parquet général, en toute indépendance, d’y donner ou non les suites qu’il jugera nécessaires.

Si vous avez suivi, même de loin, les actualités de la Commission, vous aurez constaté que nous n’avons pas économisé notre énergie pour mener une enquête approfondie et documentée, avec l’aide des experts de la Commission. Nous avons aussi oeuvré pour construire un consensus sur ces constatations et recommandations, qui est gage du suivi qu’il faut à présent assurer.


Le point de départ nécessaire vers un nouveau monde

Les conclusions qui ont émergé de l’enquête réalisée par la Commission impliquent maintenant que chacun prenne ses responsabilités pour faire cesser ces pratiques et mettre en œuvre l’ensemble de ces recommandations. Vite.

Il y a du boulot pour le Gouvernement wallon, qui doit déposer les projets de décret pour renforcer la législation, pour combler les failles, pour améliorer la gouvernance dans les intercommunales et faire en sorte que ce type de scandale ne puisse plus arriver à l’avenir.
Nous savons le contexte politique et le chaos dans lequel se trouve actuellement notre Région. Mais les propositions émanant de la Commission ont fait l’objet d’un consensus et cela donne donc un mandat au Gouvernement, quel qu’il soit, pour exécuter les décrets déjà adoptés et mettre en chantier dès à présent l’élaboration des textes contenant les réformes.

Il y a également du boulot pour le Conseil d’administration de Publifin, qui doit mettre en œuvre les procédures pour obtenir le remboursement des sommes illégitimes qui ont été versées.
Il doit également passer en revue le portefeuille d’activités, pour en abandonner certaines, en cédant à des tiers les participations liées à des activités à l’extérieur du pays, ou en cédant à des sociétés régionales publiques celles qui dépassent manifestement le périmètre des intercommunales.
Il faut aussi revoir la structuration du Groupe, afin de rendre le pouvoir de décision aux communes, respecter la loi et, dès lors, préserver et développer l’emploi sur des bases assainies.

Pour ce faire, les instances de Nethys doivent être renouvelées. Nous ne pouvons pas croire que ceux qui ont mis sur pied cette ingénierie soient en capacité de porter ces changements. Il faut donc écarter les personnes dont la responsabilité est engagée dans ces scandales.

Ceci étant, nous devons exprimer une grande inquiétude au vu des derniers mois écoulés au sein de Publifin, où l’inertie domine, quand ce n’est pas le sabotage (cf. épisode de la composition illégale du Conseil d’administration renouvelé en mars 2017). C’est insupportable car le vieux monde s’accroche à son pouvoir et à ses privilèges et, ce faisant, nargue la population. Cela doit cesser. Le double jeu de certains partis, qui soutiennent des réformes à Namur mais les bloquent à Liège, doit cesser.

Enfin, il reste une part de responsabilité politique qui, à ce stade, n’est pas assumée.
Qu’attendent les groupes politiques impliqués dans le scandale pour demander à leurs élus de démissionner du CA de Nethys et des autres sociétés et, sinon, prendre leurs distances avec eux ?
Quand organiseront-ils le remboursement des sommes qui ont été perçues de façon totalement illégitime ? Comment expliquer qu’un des trois présidents de fédération liégeoise qui ont initié la création des comités de secteur, M. Bacquelaine (MR) n’ait pas encore remis son mandat de président de fédération ?


Le scandale Publifin doit servir d’électrochoc

Une chose apparaît clairement. Sans ambiguïté. Ces pratiques indignes ont créé un dégoût qui risque bien, si toutes les recommandations ne sont pas suivies d’effet, de devenir un dégoût de la politique. Ce serait criminel.

Il y a une grave crise de confiance, que Publifin aura largement contribué à accroître et que notre Parlement doit contribuer à résorber.

Le rapport de la Commission d’enquête constitue une première étape.

Au-delà, il faut des réformes fondamentales pour changer le système et assainir les pratiques politiques. Ce travail reste à faire. Comptez sur nous pour le poursuivre avec pugnacité !

Stéphane Hazée, 12 juillet 2017

 

Photo © BRUNO FAHY – BELGA