Votre Gouvernement a 18 mois devant lui. Face à cet horizon, l’accord de Gouvernement aurait pu fixer un certain nombre de priorités, de réformes ciblées et de mesures précises. C’est malheureusement tout le contraire.

Ce n’est pas le nombre de pages qui est le problème. Le problème, c’est le flou absolu qui domine la plus grande partie de votre Déclaration. Ce texte multiplie les annonces d’intention, mais sans rien dire de la mise en œuvre, des moyens qui seront dégagés, du calendrier de réalisation, voire même des mesures elles-même, au-delà des slogans.

C’est un peu le Gouvernement de la main invisible : rien n’est dit des objectifs réels, du chemin à emprunter … et la mise en œuvre est tout à fait incertaine. Nous pourrions lister des dizaines de questions pour simplement comprendre ce qui est proposé. Nous nous limiterons aujourd’hui à l’essentiel.

Ainsi, votre déclaration a voulu mettre l’accent sur une série de mesures en matière de gouvernance.

Comme nous l’avons indiqué ce matin, il y aura des réformes, et nous soutiendrons les réformes qui iront vers plus d’éthique politique, plus de démocratie, plus de transparence, qui lutteront contre les gaspillages et les prébendes.

Un grand nombre résultent d’ailleurs des propositions qu’Ecolo a mises sur la table et qui ont été retenues.

Il y aura des simplifications d’outils. Là aussi, il y a matière à agir, en le faisant avec discernement, pour supprimer les doublons, pour éviter une série de dépenses inutiles.

Mais les réformes que vous annoncez sont néanmoins tout à fait insuffisantes si l’ambition est de rétablir la confiance avec la population.

Il n’y aura pas de décumul intégral pour toutes les fonctions régionales à responsabilité importante et rémunérées comme telles, comme les députés, les chefs de cabinet, les directeurs d’OIP, …

Il n’y aura pas de clarification à l’égard des rémunérations privées.

Nonobstant une communication qui cherche à donner le change, les nominations politiques continueront à gangrener une part du service public, puisque votre Déclaration ne prévoit pas l’extension du régime des mandats.

Vous avez aussi prévu une porte dérobée pour contourner les exigences du brevet de management. On va donc relancer le cycle de l’EAP mais ce sera facultatif ! Avec le risque de copinages et de promotion d’incompétents qui va avec.

Certaines réformes ressemblent aussi davantage à des leurres, comme la suppression des provinces qui n’est en fait pas vraiment programmée. Aucune démarche n’est d’ailleurs prévue pour la définition de bassins de vie, pour avoir des territoires + ancrés dans les réalités supralocales. Et ce serait en plus pour renforcer le pouvoir des Gouverneurs, qui sont nommés à vie sur base partisane… C’est le comble.

Il y a aussi une série de points conclus positivement dans nos échanges sur la gouvernance et qui n’apparaissent pas, comme par exemple :

– la saisine de la Commission de déontologie par des citoyens ;
– la création de commissions mixtes élus / citoyens dans ce Parlement ;
– la soumission des décisions du GW à l’Inspection du développement durable, à l’instar de l’Inspection des finances.

Comment faut-il le comprendre ? Quel est votre engagement ?

Où sont par ailleurs une série de recommandations de la commission d’enquête Publifin, comme par exemple :

– l’application des règles de transparence et des limitations des rémunérations à l’ensemble des mandats dérivés, et pas seulement les mandats directement dérivés ?
– les incompatibilités entre des fonctions dans une intercommunale et un mandat parlementaire ou une fonction dans un cabinet ?
– le décret visant l’objectivation des recrutements du management dans les intercommunales ?
– les mesures de tutelle à prendre pour assurer la reprise en main et l’assainissement du Groupe Publifin, soutenues par ce Parlement il y a deux semaines ?

Pouvez-vous confirmer que votre Gouvernement s’engage à mettre toutes en œuvre 100 % des recommandations ?

Au-delà de ce chapitre sur la gouvernance et si on dépasse des variations lexicales incontestables, c’est la continuité qui impressionne, comme indiqué ce matin.

C’est la continuité qui domine en matière de politique économique et d’emploi.

Même la réforme des outils économiques, pourtant présentée comme une priorité lors de vos négociations, apparaît identique à celle qui était en cours de préparation…

Plus largement, la continuité domine pour une série de politiques environnementales et de justice sociale, qui étaient trop peu considérées sous la coalition PS-CDH et qui le resteront malheureusement.

Nous allons y revenir mais nous voulons d’abord saluer plusieurs évolutions positives… à condition qu’elles se concrétisent.

– La suppression de la taxe TV redevance, cette taxe forfaitaire et donc injuste, est confirmée. Elle était politiquement acquise, elle fait l’objet d’un large consensus mais c’est néanmoins un point positif.
– La porte du CESW sera ouverte aux acteurs environnementaux. Le précédent GW avait refusé nos amendements en ce sens il y a 6 mois.
– Nous soutiendrons aussi l’octroi automatique des droits sociaux et pour la multiplication des projets Housing first.
– Les engagements pris à l’égard du secteur non-marchand seront respectés. C’est bien le minimum, mais en ces temps où tout peut être remis en question, c’est bon à prendre.

Comme nous l’avons fait depuis trois ans, nous soutiendrons honnêtement les dossiers qui évoluent dans le bon sens.

A côté de cela, il y a malheureusement une série de reculs annoncés qui nous inquiètent.

La politique du logement était déjà très décevante. Elle risque encore d’empirer, lorsqu’on voit par exemple la volonté d’affaiblir encore les obligations des communes en matière de logement public et les ventes de logement public.

Une allocation loyer est annoncée, ce qui pourrait être une bonne nouvelle, sauf qu’elle sera tout à fait inopérante si elle n’est pas combinée avec une régulation des loyers.

En matière d’emploi, nous avons également des inquiétudes pour les demandeurs d’emploi qui restent sur le carreau et ne trouvent pas d’emploi.

Doivent-ils s’attendre à une stigmatisation ou une conditionnalité de leurs droits sociaux ? Cette inquiétude augmente lorsque nous entendons votre volonté de rapprochement avec la politique du Gouvernement fédéral.

Certaines mesures fiscales vont détériorer les finances publiques sans augmenter la justice sociale, comme la suppression du taux pour l’achat d’une 3ème habitation.

Il y a aussi cette obsession à appeler le privé à s’investir un peu partout.

Le secteur privé doit naturellement jouer son rôle, notamment dans l’économie et la création d’emplois.

Mais le secteur public a aussi ses responsabilités essentielles, notamment pour le service public, les biens publics, les activités en réseau ou la régulation.

En ce sens, la volonté de subordonner l’action des communes à l’absence d’un acteur associatif ou commercial est par exemple très inquiétante, par rapport aux enjeux de continuité, d’égalité ou de poursuite d’objectifs légitimes d’intérêt public.

Il y a aussi une série de tout gros points d’interrogation.

C’est l’enjeu essentiel de l’assurance autonomie.
Pour qui, avec qui, comment, combien ?
La taxe humaniste de 50 euros par personne sera-t-elle maintenue ?

Ce sont les traités commerciaux qui continuent à être négociés.
Le Gouvernement analysera-t-il les projets de traité avec le Japon et avec le Viet Nam à l’aune de la résolution du Parlement ?
Est-il prêt à ne pas octroyer la délégation de signature, et en tout cas pas avant de recevoir l’avis de la CJUE sur la compatibilité du mécanisme ICS prévu par le CETA avec le droit européen ?
Le CETA, quant à lui, entrera provisoirement en vigueur le 21 septembre prochain, puisque le GW a finalement signé ce texte.
Quel suivi des effets de ce traité le GW prévoit-il, afin d’être en capacité de mettre en œuvre la clause de suspension si nécessaire ?
Qu’en est-il par ailleurs de votre politique en matière de licence d’exportation d’armes, dont la Déclaration ne dit pas un mot ?
Qu’en est-il en particulier de la situation de l’Arabie saoudite ?

Il y a surtout tout ce qui, malheureusement, ne changera pas.

Car pour l’essentiel, au-delà de quelques mesures mises en relief, le GW MR-CDH poursuivra la politique du GW PS-CDH et présente donc les mêmes failles.

Aucune indication n’indique que la trajectoire Energies Renouvelables revue à la baisse par le GW sortant sera plus ambitieuse demain.
Pire, le GW inquiète avec le définancement programmé des énergies renouvelables et leur mise en concurrence avec les énergies grises, celles qui sont pourtant subsidiées par la non prise en compte des coûts des pollutions pour la santé et l’environnement.
Il n’y a pas de nouvelles non plus du Plan air énergie climat.


La politique d’aménagement du territoire continuera à aller dans le mur.
Et on ne fera même plus semblant de tenter d’établir un schéma de développement territorial. C’est l’officialisation d’un des multiples échecs des 3 premières années de législature.

Aucune remise en cause du définancement du TEC n’a été formulée.

Il n’est plus question non plus de Plan de mobilité durable. Et les modes de déplacement actifs comptent pour quasi rien. A l’inverse des aéroports, pour qui la Région allonge toujours davantage. Il y a une perspective Wallonie 2030 sans diesel.
Mais sans déclinaison concrète, sans mesure immédiate pour la qualité de l’air dans les villes, ça ressemble en fait au ‘tous bilingues en l’an 2000’ de Laurette Onkelinx au moment où elle diminuait les moyens dans l’enseignement…
Dans ce contexte, le GW a beau dire de façon incantatoire ‘accord de Paris, accord de Paris’, cela ne constitue pas une politique si les actes sont en contradiction.

Il n’y a pas non plus d’ambition nouvelle en matière d’agriculture pour aider davantage l’implémentation de mode de production plus respectueux de la santé et de l’environnement.

Aucune initiative ne sera impulsée non plus pour la biodiversité, qui continuera donc à se détériorer.

De même encore,

– L’économie circulaire restera marginale dans l’approche du GW.
– Le décret Sols est dans les limbes.
– Aucune impulsion n’est proposée pour des secteurs porteurs d’avenir (stockage d’énergie, logiciels libres, …)
– En matière sociale, la réforme des allocations familiales restera mal pensée, avec un énorme différentiel inexplicable entre certaines familles dans une situation similaire.
– La suppression du CPAS et son intégration dans la commune avait été écartée, suite à l’avis unanime des acteurs de terrain. Elle revient et nous la combattrons à nouveau.
– Le Plan de lutte contre la pauvreté a quant à lui disparu des radars. Déjà qu’il n’était pas financé.

La DPR évoque par contre des facilitateurs en prévention des inégalités sociales … Waouw ! Nous espérons qu’ils seront consultés sur la réforme fiscale et les cadeaux aux contribuables les plus aisés…

46,07 %. C’est la part de la population qui avait donné ses suffrages à la coalition sortante. Ici, c’est pire : 41,86 %. 2 Wallons sur 5… Nous vous invitons à garder constamment cette réalité à l’esprit.

Avec deux conséquences. Comme nous l’avions dit alors, écoutez les forces vives de la société :

– non seulement les interlocuteurs sociaux (et nous saluons les engagements pris à ce sujet)
– mais aussi les forces de changement, écologistes, associatives, les jeunes, les ONG, …

Nous redisons aussi et sans doute le MR peut-il y être sensible : respectez l’opposition, écoutez la, en particulier lorsqu’elle agit de façon constructive, sans rancune, sans démagogie.

Ecolo continuera en tout cas à être porteur d’une alternative, pour la transition écologique, pour la justice sociale, pour l’émancipation de chacun-e, pour un changement radical du système politique.