L’ex-ministre de l’Environnement Philippe Henry amène ce jeudi au Parlement wallon un texte ambitieux pour le climat. La Cop 23 a lieu dans 2 mois à Bonn. «On continue à afficher un consensus de façade sur l’accord de Paris (Cop 21) mais on n’agit pas». OK. Mais que la Wallonie agisse ou pas, ça change quoi?

 

Les différents parlements de Belgique se voient le 19 septembre, au sein d’une nouvelle commission spéciale sur le climat. Ils vont notamment tenter de s’accorder sur la Cop23, la prochaine conférence mondiale sur le climat.

Deux ans après la célèbre Cop 21 de Paris, la Cop23 se tiendra en novembre à Bonn, sous la présidence des îles Fidji.

Les Flamands sont prêts. «La Wallonie doit adopter elle aussi une position forte, à moyen et à long terme. Une stratégie climatique pour mettre en œuvre l’accord de Paris», soutient le député wallon Écolo Philippe Henry, ancien ministre en charge du climat. Il s’impatiente.

 

Philippe Henry, vous présentez une proposition de résolution très dense ce jeudi matin en commission du Parlement wallon.

Oui. La Flandre a déjà sa résolution depuis l’année dernière. Elle est assez audacieuse. Ils ont des projets et des échéances dans tous les secteurs: urbanisation, routes, industries… Ils prévoient de mettre fin aux véhicules diesel, par exemple.

C’est aussi au programme de la nouvelle coalition MR-cdH en Wallonie: la fin du diesel d’ici à 2030.

Oui, mais ils peuvent dire ça et ne rien faire d’ici à l’année prochaine. Or, si on ne fait rien maintenant, c’est juste un slogan. Si le gouvernement veut être conséquent dans sa politique climatique, il faut concrétiser par un plan d’action dès maintenant. Sinon, on reste dans le discours. On fait sans arrêt des annonces mais une série de choses ne se concrétisent jamais. C’est très décourageant.

Pour reprendre le cas du diesel, que vous reprenez dans votre texte, il faut faire quoi par exemple?

Il faut un plan d’actions avant le 1er juillet 2018 pour concrétiser la «sortie du diesel» en 2030. Il faut des objectifs intermédiaires, des indicateurs et une trajectoire progressive jusqu’à l’échéance. Et au minimum tabler sur une diminution de 20% du nombre de véhicules diesel en circulation d’ici 2019, la fin de cette législature.

Vous proposez de travailler de la même façon (établir un plan pluriannuel et commencer tout de suite) dans chaque secteur: mobilité, aménagement du territoire, émissions de gaz à effet de serre, énergies renouvelables, recherche, etc. . Ce n’est pas pour rien que le texte est costaud pour une «simple» résolution…

Oui. Pour résumer, on a vraiment besoin d’un consensus politique fort sur une planification pluriannuelle, pour chaque objectif. Sans quoi, c’est peine perdue.

Pourquoi insister à ce point sur la planification? Le consensus sur le réchauffement climatique ne suffit pas?

On a un consensus permanent de façade sur la limitation du réchauffement climatique à 1,5 °C ou à 2°C obtenu à la Cop 21 de Paris en 2015. On s’en gargarise mais personne n’est vraiment conséquent. Les pays ne sont pas assez engagés sur les efforts que chacun doit faire. Or, la situation est cataclysmique au niveau mondial. Si on veut respecter l’accord de Paris (auquel la Belgique et la Wallonie ont adhéré), il y a des efforts à faire à notre échelle.

Et on ne les fait pas?

On a le décret «climat» et le Plan Air-Climat-Energie. On va sans doute respecter les objectifs européens de 2020. Les premiers pourcents sont faciles à réaliser. Mais si on ne change pas fondamentalement la mobilité, l’organisation du territoire, l’économie… On n’y arrivera pas avec des «one shot». On n’a pas besoin de déclarations du style: «on vise à favoriser ceci, encourager cela».

Il faut des mesures structurelles, un monitoring extrêmement précis, une concrétisation au travers des chiffres: voilà où on sera dans 2 ans, dans 5 ans, dans 10 ans…

Impossible de reprendre tous les points de la résolution. S’il fallait n’en retenir qu’un?

Ce serait la mobilité. C’est là qu’on est le plus loin. Et les émissions de CO2 restent très importantes. La Wallonie doit travailler sur le résidentiel et le transport. Il y a beaucoup de voitures, qui font beaucoup de kilomètres, avec souvent une seule personne à bord. Du côté des transports en commun, on n’évolue pas. Et si on avance du côté des voitures électriques, c’est encore minime comme impact.

Vous espérez que tous les groupes soutiennent votre texte? Le cdH a déjà le sien tout prêt.

Oui, ils ont déposé quelque chose en 4e vitesse. Mais il y a peu de chiffres et de dates. Je ne suis pas naïf mais une unanimité permettrait de disposer d’un cadre ambitieux et fort au Parlement. Le texte est évidemment amendable. C’est aussi l’occasion de vérifier le degré d’ouverture du nouveau ministre du Climat, Jean-Luc Crucke (MR).

Tout ça pour les deux années qui restent?

Ce cadre permettrait de lancer les actions pendant les deux années qui restent et d’aller au-delà de cette législature, justement. En 2019, on aurait déjà ces balises. Ce serait plus facile. On gagnerait du temps. On ne peut plus attendre, reporter, se dire que l’échéance de 2050 est loin.

Et la Wallonie, dans tout ça, ça reste une goutte d’eau dans l’océan, face aux États-Unis, à la Chine… Non?

La Wallonie a de toute façon sa part d’efforts à réaliser dans la réduction des émissions dans un cadre européen. Mais dans ce problème climatique mondial, la dynamique est aussi mondiale. Tout s’additionne. Je l’ai vécu dans les négociations internationales. C’est ça qui marche: seul, on n’y peut rien. Mais agir simultanément à 5, à 10, à 15…

 

Article publié par Vers l’Avenir le 13/09/2017 [En ligne]: http://www.lavenir.net/cnt/dmf20170913_01054539/philippe-henry-on-se-gargarise-avec-l-accord-cop-21-mais-on-n-agit-pas

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