Intervention de Matthieu Daele en séance plénière du 25 avril sur la question de l’assistance sexuelle des personnes en situation de handicap :
« la question de l’assistance sexuelle, et plus largement la question de la vie affective et sexuelle des personnes handicapées m’a toujours préoccupé. Il y a quelques années, j’avais déposé, au sein de ce Parlement, une résolution qui visait une amélioration de la vie affective et sexuelle des personnes handicapées, qui avait été votée, ici même en séance plénière, le 5 février 2014. C’était une première étape, puisque cette résolution avait eu comme effet la mise en place du centre de ressources Handicap et Sexualités par la ministre de l’époque, Mme Tillieux. Nous ne partons donc pas de rien.
La question de l’assistance sexuelle, elle ne fait pas l’unanimité de l’associatif, elle questionne dans la population, elle questionne dans les partis.
Il est donc d’autant plus important de participer activement à la réflexion qui doit être la nôtre à travers cette proposition de résolution, que je cosigne avec les représentants d’autres groupes politiques : Mme Tillieux, M. M. Prévot, Mme Durenne, Mme Pécriaux, Mme Nicaise.
Quand on parle d’assistance sexuelle, souvent, on peut parler de choses qui sont différentes. Je trouve que, parfois, les termes du débat sont mal posés, les définitions sont parfois différentes, en fonction de qui parle, et j’ai parfois entendu, lorsqu’on parle d’assistance sexuelle, de personnes qui parlent, en fait, de « prostitution spécialisée ». D’ailleurs, dans une carte blanche – je cite la définition qui a été utilisée – c’était : « L’assistance sexuelle consiste en réalité en une prestation tarifée comprenant des relations sexuelles entre une personne en situation de handicap et, le plus souvent, une femme qui serait spécialement formée à cet effet ». Je ne peux pas souscrire à cette définition. L’assistance sexuelle, en fait, qu’est-ce ?
Premièrement, ce sont des actes qui permettent à la personne handicapée de disposer de son propre corps, cela peut être de la masturbation, l’apprentissage au plaisir solitaire, des choses qui ne sont pas accessibles en toute autonomie. C’est un premier volet de l’assistance sexuelle : c’est de permettre à la personne handicapée de disposer de son propre corps.
Deuxièmement, l’assistance sexuelle, c’est également pouvoir disposer de son propre couple. C’est donc avoir une aide afin d’avoir des relations sexuelles non pas avec une tierce personne, mais avec son propre partenaire lorsque l’on ne sait pas l’avoir en toute autonomie. Une tierce personne peut aider dans ce cas à accomplir des actes de couple.
Troisièmement, l’assistance sexuelle, ce peut être aussi de disposer du corps d’une autre personne. Dans ce troisième cas, cela peut se rapprocher de prostitution spécialisée ou non.
Quelle définition doit-on alors choisir ? Celui qui doit trancher cela, c’est le législateur. Le législateur, qui est-ce ? Le législateur, c’est nous. Cette question ne relève pas uniquement des compétences régionales, mais aussi du Fédéral, mais, en tout cas, nous devons, nous, avoir ce débat. Il est nécessaire d’avancer parce que la situation actuelle n’est pas satisfaisante.
On a donc aujourd’hui des personnes qui n’ont pas accès à leur propre corps. Ce sont des réalités dont on avait pu me faire dans des témoignages qui m’étaient revenus lorsque j’avais travaillé sur le texte de la résolution d’il y a quelques années. C’est un exemple que j’avais pris en commission.
Il est important de mettre des exemples concrets sur la table. Il y a notamment des personnes en institutions qui sont hébergées, qui sont handicapées, qui demandent de l’aide à la masturbation. L’exemple d’une personne qui, lorsqu’elle prend une douche, demande à rester seule quelques minutes en demandant à l’aide-soignant de lui mettre le pommeau de douche près de son sexe.
Aujourd’hui, les aides-soignants sont-ils formés à ce type de geste ? Non. Souhaitent-ils effectuer ce type de geste ? Certains oui et d’autres non. Les personnes handicapées souhaitent-elles que ce soit l’aide-soignant ou l’infirmier qui effectue ce type d’acte ? Certains oui et d’autres non.
Vous comprenez que cela peut créer un malaise chez les professionnels d’effectuer ce type d’acte. Cela peut créer un malaise pour les personnes handicapées que ce soit réalisé par des personnes qui s’occupent d’elles au quotidien, c’est bien normal. Ce sont des réalités constatées pour lesquelles il n’y a, à ce jour, pas de réponse et c’est un problème.
Il y a aussi les personnes qui n’ont pas accès à la vie de couple. De nouveau, il y a des couples dans les institutions de personnes handicapées ou en dehors de celles-ci qui n’arrivent pas à avoir de relations sexuelles en tout autonomie parce qu’elles ont un handicap qui les en empêche. Vont-elles demander à l’aide-soignant, à l’éducateur, à l’infirmier, à l’infirmière, de les aider à avoir une relation sexuelle ? Pour certaines personnes, cela ne pose pas de problème, mais pour d’autres – ce sont des problèmes qui reviennent régulièrement – il est gênant pour deux personnes en couple de se faire aider par une personne qu’elles côtoient au quotidien.
Le professionnel à qui cette demande arrive va se dire : « Je ne suis pas formé pour cela, ce n’est pas mon métier d’infirmier, d’aide-soignant, d’éducateur, d’aider ces personnes à avoir une relation sexuelle comme elles le souhaitent ». Ces professionnels ne trouvent pas de réponse à l’extérieur.
Ensuite, il y a les personnes qui souhaitent avoir accès à de la prostitution, spécialisée ou non. C’est également une réalité. Dans ce cas et parce que cette réalité existe, des professionnels qui aident des personnes qu’ils hébergent en institution à aller vers de la prostitution risquent d’être poursuivis pour proxénétisme. Il y a dans ce cas une insécurité tant pour les personnes handicapées que pour les professionnels de ne pas avoir accès à un cadre réglementaire.
Le fait de se dire : « La situation actuelle nous satisfait, nous fermons les yeux, nous ne regardons pas les réalités », cela pose problème. Vous avez bien compris que l’attitude de ne rien faire n’est pas mon option.
On se dire que l’on doit donner de la sécurité, tant pour les personnes en demande de disposer de son propre corps, de disposer de son propre couple et éventuellement, si on le décide, de disposer des services de prostitution spécialisés ou non. On doit donner de la sécurité à toutes ces pratiques qui existent aujourd’hui et également donner la possibilité de recourir à l’assistance sexuelle des personnes qui n’y ont actuellement pas accès.
C’est pour cela que je fais partie des auteurs de cette proposition de résolution qui vise à élaborer un cadre réglementaire relatif à l’assistance sexuelle et de pouvoir avancer dans l’élaboration de mesures avec toutes les personnes concernées. Il est de notre responsabilité de définir ce cadre.
Suite au vote de cette proposition de résolution en commission, Mme la Ministre de l’Action sociale a demandé aux parlementaires cosignataires, de même que Mme Salvi, de préparer un cadre réglementaire et législatif à l’assistance sexuelle. Il nous revient donc de travailler à des propositions concrètes. Ce sera notre travail dans les prochains mois. Il nous reviendra d’avancer concrètement et de déterminer ce qui rentre dans ce cadre. Un cadre réglementaire est nécessaire pour pouvoir donner de la sécurité à ces professionnels, à ces personnes en demande et parce que l’on ne peut pas fermer les yeux plus longtemps sur cette question ».
La proposition de résolution a été adoptée par le Parlement.