Le Parlement de Wallonie a adopté ce mardi le décret-programme du Gouvernement MR & cdH, soit plus de 600 articles modifiant près de 60 législations différentes !
Dès l’entame de l’examen de ce mammouth, qui a dû être réalisé en 4 jours (!), Ecolo a dénoncé le coup de force politique et le sabordage du travail parlementaire imposé par le Gouvernement wallon: quel est le sens de faire passer à la va-vite, en décrétant une urgence artificielle, une série de réforme et jusqu’à des décrets entiers ? Quel est le sens de noyer des enjeux qui méritent de vrais débats dans un tel fatras ? Quel est le sens de mettre à mal le cœur même du fonctionnement de notre démocratie ?
Par delà l’injure faite au travail parlementaire, il faut souligner le bricolage juridique du Gouvernement. Le Conseil d’État a d’ailleurs étrillé le texte « Un nombre non négligeable de dispositions doivent être soigneusement et profondément revues, voire repensées, pour éviter de s’exposer à d’importantes critiques juridiques ».
Derrière ces écueils, il y a aussi un certain nombre d’enjeux de fond. Sans préjudice de la méthode détestable, Ecolo a d’ailleurs salué plusieurs éléments positifs, comme l’élargissement du prêt coup de pouce à toutes les PME, l’interdiction des objets plastiques à usage unique, l’interdiction des pesticides sur les cultures de sapins de Noël en forêt, le pré-financement des associations environnementales, la création d’un Fonds de protection de la biodiversité ou encore l’annulation de la réforme tatchérisante du Ministre Furlan en matière de logement public.
Le même texte contient malheureusement aussi une série de mesures réellement problématiques, qui sont autant de reculs politiques. Quelques illustrations :
- Ainsi, le decrét-programme supprime la procédure préalable d’avis en conformité au développement durable, à laquelle devaient être soumis les projets de décision du Gouvernement, à l’instar de la procédure de vérification de leur impact budgétaire. Le précédent Gouvernement PS & CDH avait déjà affaibli cette procédure mise sur pied en 2014 en la rendant facultative. Le Gouvernement MR & CDH achève le travail et la démantèle purement et simplement. Bye bye, le développement durable.
- Le décret-programme permet également au Gouvernement de privatiser la SPAQUE, l’organisme public wallon chargé de la gestion des déchets et de l’assainissement des sols. Or, la SPAQUE exerce une série de missions de service public et d’autorité (inventaire des sites potentiellement pollués, liste de sites prioritaires à réhabiliter, pouvoir d’expropriation, mesures d’urgence, expertise) et doit, à ce titre, être au-dessus de la mêlée. Que des moyens privés soient mobilisés pour assainir certaines friches industrielles peut être opportun. De là à les faire entrer au sein du bras armé du Gouvernement, il y a un pas … qui risque de dénaturer cet outil, de l’exposer à des conflits d’intérêt potentiels et de générer un contentieux juridique.
- A travers le décret-programme, MR & CDH chipotent en douce aux règles en matière de chasse, pour permettre des pratiques interdites en revoyant la définition de la clôture.
- Le Gouvernement attaque aussi les zones agricoles, en rendant moins chers les projets d’activité économique situés dans ces zones du plan de secteur qui ne sont pas prévues pour, par rapport aux projets établis dans le respect du zonage du plan de secteur. C’est le contraire des beaux discours du Gouvernement sur la préservation des terres agricoles et la gestion parcimonieuse des sols.
- Le décret-programme revient encore en arrière sur certaines avancées contenues dans le décret Gouvernance, en reportant sine die les incompatibilités familiales qu’il avait établies il y a 3 mois ou en émasculant les pouvoirs des commissaires du Gouvernement dans les aéroports.
- MR & CDH affaiblissent le statut du client protégé en matière d’énergie, en supprimant les possibilités de refus du compteur à budget pour raisons techniques ou médicales ou l’examen des plans de paiement rasionnables par les commissions locales de l’énergie.
- Le Gouvernement transforme l’APAQ-W (Agence wallonne de promotion des produits agricoles) alors qu’une telle réforme mérite un vrai débat, a fortiori vu le rapport critique de la Cour des comptes (promotion pour compte d’une entreprise privée d’une marque sensée lui appartenir, subside à des tiers sans arrêté préalable, …).
Ecolo a déposé près de 25 amendements pour tenter d’améliorer le texte et de corriger le tir. Deux amendements seulement ont été adoptés, l’un pour limiter la durée des délégations du conseil d’administration à la direction dans les outils wallons, l’autre pour sortir l’APAQ-W du trou noir dans lequel le texte bricolé allait la plonger pendant six mois.
Pour le reste, MR & CDH ont donc balayé nos autres propositions. En ce compris notre amendement visant à organiser une procédure objectivée et impartiale pour le recrutement des managers des outils publics. En ce compris aussi notre amendement visant à appliquer aux filiales d’intercommunales (et donc aussi à Nethys) l’incompatibilité entre les fonctions d’administrateur et de gestionnaire, incompatibilité pourtant généralisée par le Gouvernement pour les autres outils wallons ! C’est le comble : une nouvelle fois, le renforcement des règles de gouvernance s’appliquera quasi à tous … mais pas au Groupe Publifin – Nethys !
Stéphane Hazée, Philippe Henry, Hélène Ryckmans.
Pour en savoir plus: lire l’intervention de Stéphane Hazée et de Philippe Henry en séance plénière du mardi 17 juillet 2018. Vous pouvez également consulter le compte-rendu de la séance plénière du 17 juillet 2018 (cf. discussion générale, pp. 43-77).