Ce mercredi, Ecolo et PS ont déposé une proposition de résolution relative à la « coopération réglementaire » dans l’Accord CETA.
La Coopération réglementaire : la possibilité pour les multinationales d’écrire ou de supprimer des normes
La « coopération réglementaire » prévue par le Traité CETA offre notamment la possibilité pour des personnes non élues démocratiquement – comme les grandes multinationales – de créer ou de proposer la suppression des normes selon leurs propres intérêts, au détriment de l’intérêt général.
Des « Parties prenantes ou Parties intéressées » peuvent en effet être « invitées » à donner leur avis sur la façon d’harmoniser les législations notamment en supprimant les obstacles au commerce.
La pratique a montré que dans de tels processus, « les Parties prenantes et les Parties intéressées » sont essentiellement des représentants des grandes entreprises, qui ont largement plus de moyens que les PME et les organisations de défense de l’intérêt général.
Les entreprises disposent en effet de moyens financiers considérables qui leur permettent d’investir massivement dans ces activités de lobbying (1). Par le passé, plus de 90% des réunions tenues par la Commission européenne avec des « parties prenantes » avant le lancement des négociations du TTIP se sont tenues avec des représentants du business (2).
Une institutionnalisation surréaliste du lobbying
Ces mécanismes de coopération réglementaire ont d’ailleurs été décrits par Monique Goyens, directrice de l’Organisation européenne de défense des consommateurs (BEUC), comme une « institutionnalisation surréaliste du lobbying ».
Les deux plus gros lobbies d’affaires transatlantiques ont eux-mêmes comparé, dès 2012, la coopération réglementaire à un moyen d’essentiellement « co-écrire les réglementations ».
La coopération réglementaire a déjà commencé dans le CETA
Depuis le début de la mise en œuvre provisoire de l’Accord CETA, selon le site Internet de la Commission européenne, quatorze comités spécialisés en matière de coopération réglementaire se sont déjà tenus en 2018, ainsi que six discussions bilatérales sur des thèmes divers.
Par exemple, le comité conjoint du CETA sur les mesures sanitaires et phytosanitaires s’est réuni, avec à l’ordre du jour les législations sur la santé des plantes et des animaux, l’autorisation de pesticides ou les différences entre les législations des Etats membres sur le glyphosate.
Encadrer la coopération réglementaire dans le CETA : l’engagement de la Déclaration Intra-belge en 2016
La Déclaration intra-belge signée en 2016 en complément de l’Accord CETA prévoit d’encadrer cette coopération réglementaire, en précisant que les Gouvernements des entités fédérés belges doivent soumettre toute coopération en matière de réglementation pour ce qui concerne leurs compétences à l’accord préalable de leur Parlement.
La résolution PS/ECOLO examinée ce jour au Parlement wallon demandait donc, simplement, de respecter cet engagement en demandant au Gouvernement wallon de définir une procédure de mise en oeuvre de cette obligation.
C’est donc bien dans le but d’encadrer strictement ce processus de coopération réglementaire que la Déclaration intra-belge a prévu un tel mécanisme d’accord préalable en octobre 2016.
Ecolo et PS ont tenu à rappeler cet engagement au Gouvernement wallon, étant donné que des réunions concernant des compétences wallonnes ont déjà été tenues dans le cadre de l’Accord CETA sans que le Parlement wallon en soit même informé.
En rejetant la proposition de résolution, la majorité MR/cdH n’a pas souhaité s’inscrire dans cette démarche de transparence.
On se rappellera que le cdH s’était engagé, en 2016, à encadrer cette coopération réglementaire.
Ecolo et PS appellent donc le cdH et le MR à réexaminer leur position pour le vote en séance plénière.
(1) Voir l’enquête intitulée : « The Fire Power of the Financial Lobby » publiée par Corporate Europe Observatory (CEO), The Austrian Federal Chamber of Labour (Arbeiterkammer) and The Austrian Trade Union Federation (ÖGB) – April 2014. Selon cette enquête, l’industrie financière consacre 30 fois plus de moyens financiers à ses activités de lobbying que les groupes qui promeuvent la régulation des banques.